Marchés du sud de la Chine


Partout dans le monde, les gens vendent, les gens achètent. Dans les pays musulmans que j'ai traversés, les bazars sont souvent situés le long de longues galeries couvertes, à l'abri de la chaleur. A Kashgar, on peut passer des heures à parcourir toutes les allées, les recoins et les espaces plus grands qu'occupe le célèbre marché du dimanche, sans manquer de regarder les Ouïghours conclure les ventes de bétail. Mais il y a aussi des petits marchés, dans des petites villes, vers où les populations environnantes, souvent constituées de plusieurs différentes ethnies, convergent tous les 5 ou 6 jours. Les femmes de chaque ethnie sont habillées de façon traditionnelle, souvent très colorée. C'est un de ces petits marchés, dans une petite ville du Guizhou, province du sud de la Chine, que je voudrais décrire ici...

Ma petite et froide chambre d'hôtel a vue sur la rue. Je me réveille avec le bruit des canards, les hurlements des cochons, le rugissement des camions et des tracteurs qui passent sous ma fenêtre. C'est le jour du marché et la petite ville est remplie de vendeurs et acheteurs des villages environnants. Des bus arrivent par la route principale, le toit chargé de canards ou de poules serrés dans des sacs ou dans des cages en bambou, de légumes, et même parfois d'un cochon mort. Des routes plus petites arrivent camions et tracteurs, chargés de gens, et de partout convergent encore plus de gens à pied. Beaucoup portent sur l'épaule un morceau de bambou auquel est attaché deux cages, avec encore des poules ou des canards, parmi eux un homme mène un buffle, qui ignore ce qui l'attend. Des porcelets arrivent dans des paniers accrochés à un vélo.

Bientôt la petite ville grouille de monde. Ils viennent de deux ethnies. Les Miao ou Hmong sont apparentés aux Mong du Laos et du Vietnam, et dans cette région toutes les femmes Miao portent des habits aux dominantes bleues. Les femmes de l'autre ethnie, les Gejia, ont des coiffes de couleurs orange et blanche. Le jour du marché n'est pas que le moment de vendre ou d'acheter, c'est aussi l'occasion de se faire couper les cheveux ou de se faire soigner une dent. C'est aussi pour les gens une chance de se rencontrer, donc la plus belle tenue est de rigueur, surtout pour les jeunes filles. C'est une journée nuageuse, morne et grise, typique du Guizhou, mais les couleurs sont néanmoins saisissantes.

Peuple Gejia ou Gelao au Guizhou

Toutes les rues sont pleines, et il y a même des étals sur la rive caillouteuse de la petite rivière. Je joins la queue de gens qui la traverse sur des pierres et j'arrive là où les femmes Miao, habillées en bleu et noir, fabriquent, brodent et vendent des chapeaux rouges et bleus décorés d'argent pour les bébés et des chapeaux rouges pour les garçons. Les étals d'écharpes bleues et blanches joignent ce déploiement de couleurs. Un peu plus loin se trouve un groupe d'hommes. Chacun a amené un oiseau dans une cage et tous sont debout ou accroupis autour des cages, l'air absorbé et écoutent avec grande attention le chant des oiseaux.

A côté sont vendus canards et oies dans des enclos en bambou, des poules les pattes liées, des cochons attachés à un piquet par une patte arrière qui hurlent en tirant sur la ficelle, des lapins qui ne disent rien et des chiens à l'air bien misérable. Les moins chanceux de ces animaux se rencontreront plus tard dans la soupe. Ensuite se trouve le marché de la viande, pas un endroit pour les gens sensibles. Rien n'est caché, l'abattage des bêtes se fait devant le client. Sur un étal, un cochon est ouvert en deux dans le sens de la longueur, et les organes sont exposés ou suspendus au dessus le long d'une tige de bambou. Le buffle que j'ai vu auparavant n'est pas loin, il gît dans un coin, juste saigné. Faim ? ça tombe bien, des soupes sont servies juste à côté et un peu plus loin, des femmes Miao en bleu vendent des légumes verts : on ne peut espérer des produits plus frais. Des épices ? pas de problème, juste après les légumes.

J'arrive ensuite sur la rue principale, où s'alignent les étals de toute sorte : montres, réveils, savon, lessive, chaussures, habits, de tout. Les gens essaient de se déplacer à travers une foule compacte, comme cet homme qui pousse une large brouette avec un cochon mort dessus. En face se trouve une petite place, c'est la section des habits, des coiffes traditionnelles, des velours noirs et autres tissus dans toutes les nuances de bleus. Le noir, bleu et l'orange dominent la scène. Je tourne sur une autre rue où je trouve les dentistes, au travail derrière une table sur laquelle s'alignent des dents et des solutions. Parfois la fraise fonctionne au pied grâce à un mécanisme semblable à celui d'une vieille machine à coudre. RRRRRrrrrr..... En haut de cette rue sont a vendre des sommiers de lits. De retour vers le centre, voici les coiffeurs. Juste à côté de quelqu'un qui se fait couper les cheveux se trouve un étal bien différent. une coupe de cheveux à côté d'un marchand de poison à rat, et de rats trottant sur un cadre en bambou, ca vous dit ?Debout derrière une table couverte de rats morts, alors que des rats vivant trottent sur un cadre en bambou, un homme en uniforme parle dans un micro, il vend du poison à rats. Je continue, passant une dame qui reçoit un traitement d'acupuncture à un stand de médecine traditionnelle, un docteur avec des modèles très explicites du corps humain, et je suis de retour à la section des volailles. A l'arrière je vois qu'on s'est occupé du buffle : il ne reste plus qu'un peu de peau par terre dans le coin.

Je retourne au marché des habits, puisque j'ai manqué un coin de la place, d'où part une rue étroite. Ici se rassemblent les marchands de charbon et d'outils en métal. Plus loin, sur un pont sont assis quelques hommes qui vendent des cordes. Un groupe important de gens entourent un artiste. Il peint des fleurs et des bambous sur un tableau blanc avec son doigt et avec l'aide d'un ballon, en utilisant ce qui ressemble plus à de la terre ou de la boue qu'à la peinture. Tout en parlant avec la foule admirative, il efface chaque peinture et recommence un autre immédiatement. Au coin de rue suivant, contre un mur, des femmes sont assises sur des petits tabourets, le visage caché sous une écharpe. Elles lisent le futur dans la main d'autres dames assises en face d'elles.

C'est le milieu de l'après midi et les gens commencent à quitter la ville. Je marche jusqu'à une rue où sont garés les camions et les tracteurs. Hommes et femmes sont serrés à l'arrière, debout sur des sacs, entre des meubles et des paniers. Quelques uns sont assis sur le toit de la cabine. D'autres sont accrochés sur les côtés ou à l'arrière du camion. L'un après l'autre, les camions partent avec leur cargaison de gens et de marchandise. D'autres villageois rentrent à pied transportant leur chargement, parfois quelques poulets dans chaque main, parfois un gros sac de riz sur le dos. La nuit venue, les rues sont vides. Je partage un ragoût avec des gens du coins dans un petit restaurant, puis je retourne dans la chambre froide et humide de mon petit hôtel en béton.

villageois rentrant au village après le marché

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© Denis LeGourriérec
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