La Mongolie est le premier pays d'Asie et bouddhiste que j'ai
visité. C'est le premier pays vraiment différent, vraiment unique en
son genre grâce à un style de vie et à des traditions exceptionnelles.
J'ai voyagé pendant une semaine dans un fourgon 4x4 en compagnie de
4 autres occidentaux, secoués sur des pistes cahoteuses à travers la
steppe et le désert par notre drôle de chauffeur mongol. Tous les soirs,
il nous trouvait au milieu de nul part un "ger" (voir note 1), ces tentes rondes que l'on
voit partout en Mongolie, du moins là où il y a du monde. Pendant une
semaine, les nomades nous ont offert leur inoubliable hospitalité et
une chance inégalée de découvrir leur style de vie et leurs traditions,
si vivantes et si fascinantes. La Mongolie reste un des endroits que
j'ai le plus aimé de tout le voyage. Voici pourquoi ....
Quand on arrivait à un ger le soir, on offrait quelques cadeaux très simples.
Comme dans beaucoup de pays asiatiques, offrir et recevoir avec les
deux mains est un signe de respect. La main gauche est considérée comme
impure et ne doit jamais être utilisée dans ces situations, et encore
moins pour manger. Ainsi, nos petits cadeaux (une bouteille de "arkhi",
la vodka mongole, un savon, du rouge à lèvre, un cahier et un stylo
et une carte postale) étaient offert à notre hôte ou au doyen du ger.
Les cadeaux étaient ensuite redistribués dans la famille : la vodka
(toujours partagée plus tard avec nous) était laissée à portée de main,
la femme recevait le savon et le rouge à lèvre (qu'elle appliquait le
lendemain pour les photos) et les enfants étaient toujours heureux de
dessiner avec le stylo dans le cahier. La carte postale, une vue typique
de Mongolie, bien que rien qui leur soit inconnu, capturait toujours
toute l'attention de la famille. On a regretté de ne pas avoir de photos
ou de cartes de nos pays respectifs.
Pendant que le thé était préparé, on jouait aux dés ou aux cartes et notre
hôte et les enfants étaient rapides à comprendre les règles et acharnés
au jeu. Ils nous ont aussi appris un jeu avec des osselets. Le thé mongol
n'est pas le thé habituel dans son petit sachet. Une poignée de brindilles
(plutôt que des feuilles) est bouillie dans beaucoup d'eau, ensuite
une louche de lait (de vache, chameau ou de chèvre) est ajoutée avec
une pincée de sel (c'était buvable). Le seul poêle est chauffé à la
bouse de vache séchée (pas de bois par ici) et la préparation du repas
suivait, immanquablement du mouton et du riz, du mouton et des pâtes
ou des pommes de terre et du mouton (du gras plutôt que de la viande
en notre honneur, bouillit et servi en soupe). La procédure pour trinquer
à la vodka était rapidement bien maîtrisée. Les bouteilles à capsule,
une fois ouvertes doivent être finies. Un seul verre circule entre tous.
D'abord, l'hôte ou le doyen trempe son annulaire dans le verre et envoie
quelques gouttes en l'air, "pour le ciel", quelques gouttes
vers le sol, "pour la terre", et quelques gouttes vers nous,
"pour les gens". Ensuite, hop, cul sec. Notre hôte rempli
le verre à nouveau et le passe à chacun de nous à tour de rôle, offrant
avec la main droite, la main gauche supportant le coude droit, et nous
recevons de la même manière. C'est impoli de refuser en Mongolie. Quand
Roger a proposé une cigarette à notre hôte qui ne fumait pas, celui-ci
a pris une cigarette, et tout de suite en souriant et faisant un signe
de la main, l'a remise dans le paquet. Il n'a pas refusé. On nous a
une fois offert un bol de "airag" (du lait de jument fermenté,
un produit un peu pétillant, un peu alcoolisé et très amère) dont on
ne prenait qu'une petite gorgée, laissant au fils de notre hôte le soin
de s'envoyer le reste.
J'étais en Mongolie début
Octobre. Les températures dans Gobi (voir note 2
) était encore assez douces pendant la journée alors
qu'il commençait déjà à faire sérieusement froid dans la steppe plus
au nord, couverte de 5 à 10 cm de neige par endroits. Le ger, chauffé
par le poêle, était agréable, mais dehors, il faisait sans doute pas
loin de -10° la nuit tombée. Cela ne gênait pas la femme de notre hôte
pour aller chercher du combustible dehors en T-shirt. Le ger étant de
forme circulaire, avec le poêle au milieu et parfois deux lits sur les
côtés, il fallait parfois calculer comment installer les 6 qu'on était
(avec le chauffeur) dans cet espace normalement fait pour une famille
de 4 ou 5. On s'alignait donc sur le sol, sur des peaux de moutons,
emmitouflés dans nos sacs de couchage et recouverts d'autres peaux de
bête par notre chauffeur très attentionné. En effet, le feu n'était
pas toujours maintenu pendant la nuit.
Le matin, le petit-déjeuner (similaire au repas du soir) était préparé par
la femme de notre hôte pendant que notre chauffeur s'affairait à réchauffer
le moteur du fourgon son effrayante torche au kérosène (qui servait
aussi pour les repas de midi sur la route). On se lavait le visage rapidement
dans l'air gelé du matin avec de l'eau glaciale (pas de douches bien
entendu). Les toilettes se trouvaient à 50 m dans n'importe quelle direction
derrière une petite touffe d'herbe si possible (parfois il y avait un
trou et quelques planches pour cacher un peu). Alors qu'on commençait
à déjeuner, le fourgon acceptait de démarrer et notre chauffeur nous
rejoignait d'un air triomphal. Le
départ ne se faisait jamais sans une séquence photo, nos hôtes toujours
très fiers de poser avec nous devant leur ger, sur leur moto ou sur
leur cheval. Je n'ai jamais vu de gens si heureux d'être pris en photo.
Ce sera difficile de leur faire parvenir des retirages, mais le plaisir
qu'ils auront à voir ces photos justifie tous les efforts. Ensuite on
était prêts à partir.
Un de nos arrêts, un peu
différent, fut chez une dame qui vivait seule avec son petit-fils tandis
que le reste de la famille s'occupait des les troupeaux (voir
note 3 ). Au lieu de vivre dans un ger, elle était installée dans une
petite cabane avec ... un panneau solaire sur le toit, une batterie,
donc l'électricité et même une petite télé. Le matin, on a pris en photo
à sa demande une peinture (scènes avec des chevaux) réalisée par son
père, et dont les couleurs commençait à pâlir. En partant, à travers
les vitres embuées du fourgon, nous avons aperçu un geste traditionnel
d'une grande beauté : cette dame jetait une louche de lait en l'air
dans notre direction, en signe de bonne chance et de bonne route.
voir d'autres photos de Mongolie
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Note 1 : Prononcer "guerre". Le mot "yourte", introduit par les
russes n'est pas utilisé chez les Mongols, mais chez les Kirghiz et
les Kazakhs. [retour au texte]
Note 2 : Le Gobi n'est pas un désert de sable comme on se l'imagine parfois, mais
plutôt une zone vaste et aride mais pour autant variée. Le paysage semble
parfois totalement plat jusque l'infini, le sol couvert de ces tristes
petits galets sombres ou parsemé de petites touffes d'herbes sèches,
mais quelques heures plus tard, on approchait de collines ou de montagnes.
Dans le sud, une immense dune de sable (800 de haut, 100 km de long,
20 km de large) s'étend jusque l'horizon. Mais je n'ai vu qu'une fraction
de cette immensité... [retour au texte]
Note 3 : La steppe peut nourrir des vaches, des chevaux, des moutons et des chèvres.
Le Gobi, plus aride, est plus adapté pour les chameaux, les moutons
et les chèvres. Des yaks sont aussi élevés dans les zones de montagne.
Le bétail est protégé des bêtes sauvages par des gros chiens féroces
qui n'hésitaient pas à poursuivre le fourgon quand on passait près d'un
ger ou d'un troupeau. [retour au texte]
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