En Chine, le réseau de transports publics est très bien développé et très
utilisé. Je me déplaçais en train ou en bus "sleeper" (couchette)
pour les longues distances (nécessitant une nuit), et en bus normal
pour les petits trajets de quelques heures.
Le train : 30 heures "hard seat"
Dans les trains, il y a plusieurs catégories. La plus chère s'appelle "soft
sleeper" (couchette molles) avec des compartiments fermés de 4
couchettes confortables. C'est le luxe et c'est aussi cher que l'avion.
La catégorie suivante, et la plus intéressante est le "hard sleeper"
(couchette dure). On dort dans des compartiments de six sans porte (3
couchettes superposées). Les chinois que j'ai rencontrés en voyageant
ainsi étaient souvent très sympathiques, comme cet ingénieur qui m'expliquait
en anglais l'origine des caractères chinois. Par contre, d'autres occidentaux
qui avaient choisi le "soft sleeper" m'ont dit que leurs compagnons
de voyage chinois, manifestement riches, étaient froids et ne cherchaient
pas à discuter. Comme pour les couchettes, il existe des sièges mous
dits "soft seat" et durs "hard seat". La première
catégorie est équivalent à la 1ère classe en Europe. La catégorie
la moins chère, dite "hard seat", quand à elle, est pour ...
le peuple !. J'ai testé ...
Je quittais Guiyang pour Guangzhou (Canton) en pensant faire une première
partie du voyage en train, puis faire un arrêt et continuer le lendemain
en bus. De plus, ce train n'avait que peu de couchettes et toutes étaient
déjà réservées. J'ai donc acheté mon ticket en "hard seat"
pour Liuzhou, à 12 heures et à peu près 500 km de Guiyang. En montant
dans mon wagon déjà plein, le contrôleur s'assure que je peux occuper
la place que j'avais réservée. Je suis le seul laowai (étranger)
en vue et les gens me regardent fixement comme souvent en Chine. Quand
je bouquine ou quand j'écris dans mon calepin, ils viennent voir en
curieux. Ma voisine regarde aussi, je lui demande si elle comprend.
Elle connait un peu d'anglais, mais sans bien le parler ni le comprendre.
Donc on commence à discuter ... par écrit. Elle écrit en "chinglish"
(note 1). Ce n'est pas toujours
facile de la comprendre et c'est une conversation aussi lente que le
train donc on a tout le temps. Elle va à Guangzhou chez un ami pendant
un mois pour chercher du travail. Elle persuade de continuer avec elle
jusque Guangzhou.
La nuit arrive. Dormir ? Pas facile : les sièges sont en effet durs (comme
leur nom "hard seat" l'indique), le dossier est vertical,
la lumière reste allumée, les chinois fument beaucoup, tout en pratiquant
le sport national : cracher par terre, les haut-parleurs diffusent
de la musique criarde ou du bla-bla par intermittence. Quelques passagers
parviennent à dormir mais un policier passe les réveiller régulièrement
à l'aide d'une bouteille vide en plastique. Ma voisine m'explique qu'il
leur dit de garder un oeil sur leur affaires pour éviter les vols et
qu'il rend service (en "chinglish" : "policeman usful
bottle push us"). Pourtant il me semble particulièrement impoli.
Depuis le départ, le train s'est rempli toujours plus à chaque arrêt
et il y a plus de monde que de place assises. Je n'arrive pas à dormir.
Je regarde les gens autour. Des passagers sont accroupis dans le couloir,
un autre est debout, les yeux fermés, appuyé contre le mur du couloir.
Quelques rangs derrière moi, un homme est debout sur son siège et regarde
les gens du wagon avec un regard vague et ahuri. Une dame, trop fatiguée,
me pousse pour s'asseoir. On est 4 sur une banquette de 3. Seuls les
bébés dorment tranquillement.
Après une nuit sans sommeil, le jour se lève timidement dans le brouillard.
Le trajet dure 30 heures donc il reste encore toute la journée dans
le train. Un employé passe régulièrement proposer à manger (du riz,
des légumes, de la viande au choix, le tout servi dans une barquette
de polystyrène). Dans les gares principales, des vendeurs en blouse
blanche poussent un gros chariot le long du train. Ils proposent aussi
des plats chauds ainsi que des sachets de pâtes instantanées, des fruits,
des petites bouteilles d'un alcool fort imbuvable, et d'autres produits
chinois non identifiés. C'est souvent la ruée, les gens se penchent
par les fenêtres du train, tendent des yuans, hurlent pour être servis
avant le départ. D'autres descendent du train. Les vendeurs sont pris
d'assaut pendant les 10-15 minutes de l'arrêt. Quelques coup de sifflet,
les passagers remontent, les vendeurs s'éloignent, le calme revient.
A la porte de chaque wagon, un contrôleur en uniforme bleu marine se
tient comme au garde-à-vous sur le quai, tourné vers l'avant du train.
Un autre coup de sifflet et tous les contrôleurs montent en même temps.
Illusion d'ordre. On repart.
Personne n'attend que son repas refroidisse. Les chinois sourient en me regardant
manger avec les baguettes. Ce qui les étonne, c'est que je ne les tiens
pas tout à fait comme eux, mais j'arrive à manger et c'est l'essentiel.
Tous dévorent, crachent les os de poulet par terre à leurs pieds, parlent
la bouche pleine de riz et à la fin, jettent la barquette vide par terre.
Le sol du wagon est jonché de détritus. Des vendeurs ambulants proposent
des porte-clés avec une petite lame qui se plie pour éplucher les fruits.
Les trognons finissent aussi par terre bien sûr.
Une heure avant l'arrivée du train à Guangzhou. Avant l'arrivée, une employée
passe vider la poubelle, je veux dire balayer le sol et jeter les ordures
dehors. C'est immonde de voir passer ce tas de déchets qui occupe toute
la largeur du couloir du train le wagon et qui finit par la fenêtre.
J'ai déjà dit "immonde", donc je n'ai plus de mot pour décrire
l'état des toilettes, on s'en passera.... tant mieux.
Après ce trajet, j'étais fatigué et pas trop en forme (l'estomac n'a pas aimé...).
Certes le confort et la salubrité du train laissent à désirer, mais
je préfère ça à l'insécurité par exemple. Ce trajet n'est pas de l'aventure
comme le lecteur pourrait penser : des milliers de chinois voyagent
ainsi en ce moment même. J'ai rencontré un australien retraité qui choisit
toujours "hard seat" (note 2).
Bus "sleeper"
Certaines régions n'ont pas de desserte ferroviaire, souvent pour cause de
montagnes. Le bus "sleeper" (couchette) est alors la seule
solution pour les longs trajets. Je préférais souvent faire des étapes
plus courtes dans des bus normaux mais ce n'était pas toujours possible
(voir anecdote 7). Selon sa taille, le bus
"sleeper" peut embarquer de 15 à 30 passagers. Les couchettes
sont étroites et trop courtes, mais on moins on est allongé pendant
les trajets de nuit, ce qui est un avantage énorme. Même si on ne dort
mal ou peu, au moins on est un peu moins fatigués à l'arrivée. En effet,
comment bien dormir quant on est serrés comme des sardines, que les
suspensions du bus sont aussi mauvaises que la route est cahoteuse et
tortueuse, que les gens autour puent des pieds et que les couvertures
proposées sentent la sueur de 1000 passagers précédents....
Bus normal
Le bus normal n'est pas plus synonyme de confort. Ce sont souvent des "coasters",
des bus de 20 places assises et d'un nombre indéfini de places debout.
Un bus n'est jamais plein. Comme dans les pays d'Europe de l'Est ou
en Russie, il semble toujours y avoir de la place pour un passager de
plus, même quand le bus semble bondé. Dans l'Ouest du Sichuan, les bus
sont plus gros et moins fréquents. Il n'y en a parfois qu'un seul par
jour, qui part à 5h30 le matin, et qui tombe en panne par la suite.
L'état du bus n'a apparemment rien à voir avec la probabilité d'un ennui
technique. Des bus pourris peuvent arriver sans encombres et des bus
qui semblent presque neufs peuvent avoir des pannes. Les crevaisons,
fréquentes sur les routes en terre et en caillasse, suscitaient toujours
deux questions : 1) allons nous avoir un pneu crevé dans un endroit
photogénique et 2) maintenant qu'on a plus de roue de secours, est-ce
qu'on va arriver au bout avant de crever à nouveau ? Une fois c'est
arrivé. Le bus avait à peine roulé une heure qu'il s'arrête : fuite
du radiateur. Demi-tour au bord du ravin et retour à la case départ.
On arrange un "shared taxi" (littéralement : taxi partagé,
un fourgon ou tiennent 8-9 personnes) avec d'autres passagers. Première
crevaison sur une route qui domine une belle vallée (photos). A mi-chemin,
on s'arrête à un petit relais et on change de véhicule. Un moine tibétain
faisait du stop dans la direction opposée. On repart, et encore une
crevaison, cette fois dans un paysage venté et sauvage de gros cailloux,
mares gelées, herbes pauvres. On repart, et on crève une deuxième fois.
On a dû finir les 30 derniers kilomètres dans la benne d'un camion,
exposés au froid et au vent. Je passais mon temps à repousser un bidon
huileux qui glissait toujours vers moi à chaque bosse de la route. Dans
d'autres régions de Chine, en particulier le Yunnan, voyager est moins
aléatoire. Les routes sont meilleures, les villes et villages sont très
bien desservis. C'est très facile de voyager sans se soucier ni de l'heure
(des bus partent toutes les demi-heures pour les destinations les plus
fréquentées) ni du prix (chauffeurs honnêtes).
voir les photos de Chine
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Note 1 : Le "chinglish" est un mot dérivé de "chinese"
et "english" qui dénomme l'anglais tel qu'il apparaît souvent
en Chine. C'est en fait du chinois traduit mot à mot en anglais avec
quelques fautes d'orthographe en plus, qui résulte à la fois de l'effort
(tout à fait louable) de traduction et de communication et des grandes
différences entre les deux langues. L'exemple suivant sera apprécié des anglophones
: "Radio pronounce has bus go to my friend where" (The loudspeaker
announces that there is a bus to go to my friend's place). [retour au texte]
Note 2 : et australien voyage sur sa retraite. Il doit donc faire attention à ses
dépenses et le "hard seat" est la solution la moins chère.
J'ai rencontré pas mal d'autres "voyageurs permanents" comme
lui. Pour moi aussi, mais surtout pour eux, le proverbe "qui veut
aller loin ménage sa monture" est obsolète, c'était bon pour les
cavaliers. Je suis sûr qu'il préfèrerait mon proverbe modifié : "qui
veut aller longtemps ménage son porte-monnaie".[retour au texte]
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