Pour aller de Quetta (capitale du Balouchistan, Pakistan) à
la frontière avec l'Iran, deux possibilités s'offrent au voyageur. La
première est le train. Deux fois par semaine un train parcours les 700
km en ... 30 heures (quand il arrive car il est peu fiable et tombe
souvent en panne d'après ce que tout le monde dit à Quetta). Il reste
donc l'autre solution : le bus....
Des gros bus 'normaux' font le trajet en 12 heures, mais il n'y a pas de bus-couchettes.
Voyager en petites étapes est hors de question : il n'y a pour
ainsi dire rien entre Quetta et Taftan. Avec Kumiko, une japonaise,
on prend soin de réserver des places à l'avant du bus (ça secoue moins)
et on s'assure que le bus est air-conditionné. Quetta est à 1700 m d'altitude
donc la chaleur n'est pas écrasante mais on sait qu'il fait horriblement
chaud dans le désert du Balouchistan qui est à plus basse altitude.
"Inch Allah (note1), nous partirons vers 17 heures" nous dit un pakistanais,
A 17h30 environ c'est le départ. Un couple tchèque voyage dans le même
bus. Peu après la sortie de Quetta le bus se gare sur le bord de la
route. D'autres passagers ? Non, le bus est plein et il n'y a qu'un
troupeau de chèvres sur le bas-côté ...Précisément... Les
chèvres viennent avec nous, elles sont installées par 4 bien serrées
dans les soutes du bus (Note 2). Les pauvres, si peu de place,
la poussière, pas d'air. Pour nous tout va bien. Les gens dans le bus
sont sympathiques et discutent un peu. Il fait bon grâce à l'air conditionné,
et le bus ne semble pas être trop poussif (il avait l'air assez neuf,
mais on ne peut pas toujours s'y fier) et la musique indienne n'est
pas trop désagréable. On traverse un paysage désertique de collines
de terres dénudées et arides. Nous faisons un arrêt à une petite mosquée
pour la prière du soir au coucher du soleil. Encore quelques heures
et c'est la pause-dîner dans un restaurant au bord de la route. En sortant
du bus, on croit rentrer dans un four : heureusement que le bus est
air-conditionné. En repartant, c'est l'heure de dormir mais on s'aperçoit
ce ne sera pas facile. Chaque véhicule en sens inverse nous éblouit
de ses pleins phares puissants et oblige le bus a ralentir brutalement.
La route est étroite et cahoteuse et les deux véhicules doivent mordre
sur le bas-côté pour se croiser. De plus, et c'est un comble, il commence
a faire froid dans ce bus ! L'air conditionné est trop puissant et il
ne semble pas possible de le régler. Les passagers tentent de se couvrir
et finalement le chauffeur coupe l'air conditionné et ouvre la porte.
Moins d'une demi-heure suffit pour que l'intérieur du bus atteigne la
température de four de ce désert. On cuit jusque Taftan où on débarque
enfin vers 5h du matin. C'est un patelin poussiéreux qui n'existe que
comme poste frontière. On y trouve un petit bazar de cabanes en tôle,
quelques bâtiment des douanes, des grillages, et un restaurant en briques
de terre. Le patron nous invite très courtoisement à nous allonger quelques
heures dans une pièce cachée par un rideau jusqu'à l'ouverture de la
frontière. Je dors deux heures comme un loir.
Le matin nous retrouvons nos compagnons de voyage du bus pour le petit déjeuner.
Pour eux : riz, mouton chapati (pain plat, comme une grosse galette).
Pour moi : confiture et chapati. Pour tous, l'excellent chai
(le thé). Viennent aussi nous saluer les changeurs d'argent. Ils n'ont
pas de chance, on a déjà changé nous roupies pakistanaises en rials
iraniens à Quetta, où le taux était meilleur. Ils sont néanmoins aimables
et blagueurs, contrairement à leurs collègues iraniens à la frontière
turque, qui étaient de vrais requins. Près du restaurant, il est possible
de se laver et il y a même un coiffeur-barbier pour ceux qui veulent
passer la frontière fraîchement rasés. Vers 8 h nous entrons en Iran.
Le garde devant la porte me demande en anglais : "D'où venez vous
?". Je lui répond : "France" et lui, avec un grand sourire
: "ah Frantsa, good good, Zidane, football, good, welcome to Iran".
Merci mon pote, j'aime pas le foot mais c'est pas grave.
L'essentiel de cette première journée en Iran se passe dans un bus, pour ne
pas changer, car la première halte, Bam, se trouve à plus de 400 km
de la frontière. Nous traversons une immensité désertique, plate et
monotone au possible. Au moins, on ne rate pas de beaux paysages en
dormant. Les bus iraniens ont toujours deux chauffeurs qui se relaient.
On se sent plus en sécurité qu'en Chine. Par contre, ils se relaient
tout en conduisant, ce qui est un peu moins rassurant. On ne sent qu'un
léger ralentissement et un tout petit coup de volant. Les contrôles
de polices sont fréquents et les chauffeurs doivent montrer un disque,
placé sous le compteur, qui enregistre la vitesse. Les policiers sont
aussi à la recherche de drogue, qui transite vers l'Europe depuis l'Afghanistan.
Les bus iraniens sont de vieux bus Mercedes, encore en très bon état
("Beautiful Bus" est souvent écrit en grand sur une des vitres),
mais sans air-conditionné. Avant de quitter la ville de départ, le bus
s'arrête pour prendre un gros pain de glace. Celui-ci est brisé à coup
de marteau et les morceaux placés dans un réservoir d'eau potable à
l'avant du bus. Pour lutter contre la chaleur torride le deuxième chauffeur
offre régulièrement de l'eau fraîche aux passagers. A un arrêt, on rencontre
une autre japonaise, qui elle a eu moins de chance avec son bus. Bien
que de bonne apparence, celui-ci est tombé en panne. Les autres passagers
ont choisi d'attendre mais elle a préféré faire du stop. Elle a donc
fait le trajet sur le toit d'un camion. Le soir, on arrive à Bam, ville
oasis dont l'attraction principale est l'ancienne citadelle de Arg-é-Bam.
Pour 1000 Rials, soit l'équivalent d'à peu près 0.15 Euro
(note 3) en taxi, on arrive
enfin à notre destination : une auberge très agréable tenue par Akbar,
un drôle de personnage, ancien prof d'anglais. Quetta est maintenant
à plus de 1100 km et 24 heures de bus derrière nous. Un peu de repos
est bien mérité.
voir aussi : photos du Pakistan et photos d'Iran
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Note 1 : 'Si Dieu le veut' [retour
au texte]
Note 2 : Nos sacs sont sur le toit du bus [retour au texte]
Note 3 : L'Iran abonde en pétrole et du coup l'essence coûte
seulement ...à peu près 0.02 Euro le litre !!!! Par conséquent,
le prix du transport est ridicule (200-300 km en bus pour 1 Euro) [retour au texte]
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