Il pleuvait depuis 5 jours.
Bonnes nouvelles pour le transport en bateau car il y a plus d'eau dans
les rivières. Mauvaises nouvelles pour le transport par voie terrestre,
ou plutôt : par voie boueuse.... Deux pick-ups 4x4 rallient Huay Xai
à Luang Nam Tha, 200 km de piste. Dans chaque véhicule, une douzaine
de personnes peuvent se serrer sur deux banquettes latérales étroites
et dures. Nous étions quelques étrangers à joindre les gens du coin
: une israélienne, deux malaysiennes (soeurs jumelles), deux coréens
et deux hollandaises. On partait vers 9h30 du matin, et après quelques
kilomètres, la route goudronnée finissait... et la boue commençait.
La boue devant sur 200 km, la boue qui gicle à droite et à gauche, la boue
qui vole à l'arrière. On s'arrêtait parfois dans les villages pour prendre
d'autres passagers, qui, faute de place devaient s'accroupir entre les
deux banquettes, s'accrochant aux genoux de ceux qui étaient assis.
Pendant les arrêts, les enfants venaient nous regarder avec curiosité,
mais partaient en courant en voyant un appareil photo, puis revenaient
rapidement, en rigolant, joueurs. Et on repartait sur notre route tortueuse
et cahoteuse, où chaque mare pourrait cacher un trou. Une ou deux fois,
on a bien cru rester coincés dans des côtes : le moteur grondait, les
roues faisaient gicler de plus en plus de boue à l'arrière et le pick-up
ralentissait, puis commençait à chasser. Le chauffeur s'arrêtait, mais
on repartait toujours, au soulagement des passagers. Heureusement, les
chauffeurs des 4x4 étaient expérimentés et inspiraient plus confiance
que le fou d'un bus chinois qui faisait la course avec un autre. Le
fait que deux voitures se suivaient était également rassurant.
On ne voyait le paysage que par l'espace non bâché à l'arrière : le déluge,
les collines perdues dans les nuages, les silhouettes d'arbres entourés
de bancs de brume, et toujours la boue sur la route derrière nous. La
nuit qui approchait ajoutait une obscurité menaçante. On ne voyait plus
bientôt que les gouttes de pluie dans la lueur rouge des phares arrières.
On devinait les arbres comme des ombres dans le brouillard et de temps
en temps la lueur de l'autre pick-up au détour d'un virage. Régulièrement
on passait dans des ruisseaux. On sentait l'avant du pick-up descendre,
puis on entendait un bruit d'eau, l'arrière plongeait à son tour, et
on remontait, le bruit des roues sur les cailloux s'ajoutant à celui
du moteur. Le deuxième pick-up était moins puissant, moins haut sur
roue et allait donc plus lentement. Dans un passage trop raide, les
passagers ont dû descendre et marcher. On s'arrêtait donc souvent pour
l'attendre. Le chauffeur coupait le moteur et les feux et on scrutait
le noir de la jungle à la recherche de la lueur des phares. Le seul
bruit était celui de la pluie.
Après 12 heures, on arrivait à Nam Tha, fatigués mais sans doute pas autant
que les chauffeurs. Bien qu'inconfortable, ce voyage en bonne compagnie
ne fut pas trop désagréable. Le lendemain, mon visa pour le Laos expirait
et je passais la frontière chinoise, en compagnie des soeurs jumelles
de Malaysie.
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